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Com’ vs Communication

 

Il est difficile de définir ce qu’est la communication. Depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, de nombreux chercheurs se sont penchés sur ce sujet : Shannon et Weaver avec leur modèle linéaire de transmission du message ; Lasswell avec son modèle de communication de masse ; Jakobson et ses recherches axées sur la linguistique ; Mac Luhan, Gerbner, Riley, le philosophe Habermas…

A partir des années 70, le mot communication renvoie à plusieurs problématiques plus ou moins enchevêtrées : les médias de masse (presse, radio, TV), le développement parallèle de la communication publicitaire, du marketing politique et de la communication d’entreprise, les transformations de la communication interpersonnelle puis le début  de ce qu’on appelle alors les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et l’arrivée d’internet. Ces nouveaux outils de communication ont considérablement brouillé la signification et la compréhension du mot.

C’est la raison pour laquelle « les sciences de la communication, pluridisciplinaires par nature ne possèdent ni modèle ni champs de recherche unifié »(1) . D’où la difficulté d’en cerner les contours et de leur trouver une identité propre. C’est ainsi que l’on peut se demander ce que l’on peut bien apprendre pour devenir un professionnel de communication ?

De fait, pour une école qui a l’ambition de préparer des futurs professionnels la seule réalité qui compte est celle du marché. Il s’agit de préparer des collaborateurs fiables qui maitrisent à la fois les enjeux et les techniques de communication utilisées aujourd’hui dans les entreprises.

Ces enjeux et ces techniques peuvent se résumer en deux points : d’abord, il s’agit d’aider l’entreprise dans ses relations avec l’ensemble de ses publics externes qu’ils soient clients, fournisseurs, partenaires, institutionnels, etc. Cette communication vise principalement à informer, expliquer, faire comprendre, convaincre, vendre. On parle de communication commerciale, de communication corporate ou institutionnelle. Ensuite, il faut aider l’entreprise à créer un climat social où chacun pourra trouver sa place, comprendre les enjeux, mesurer sa propre contribution à l’ensemble et s’épanouir; cette communication vise là encore à informer, faire comprendre, faire adhérer à un projet, créer un sentiment d’appartenance et responsabiliser. C’est le champ de la communication interne.

Mais peut-on en rester là ?

Comme peut le laisser imaginer le simple énoncé de ces objectifs, la mise en œuvre d’une politique de communication est difficile et il existe de nombreux pièges auxquels les professionnels de communication se trouvent confrontés. Par nature en effet, toute entreprise vise la performance économique. Cet objectif naturel peut souvent créer des tensions et place les décideurs dans des situations où les tentations sont nombreuses.

Dans toutes ces situations, la communication joue un rôle majeur. C’est souvent elle qui va penser les messages, créer les supports, préparer les discours, mettre les moyens techniques de son « art » au service des dirigeants, etc. D’où la tentation de la « com’ » dont parle Jean-Marie Charpentier, Vice-président de l’Association Française de Communication interne (AFCI) dans son livre « Refonder la communication ». C’est ainsi que des professionnels non avertis ou peu scrupuleux peuvent facilement devenir des instruments au service de la désinformation, du mensonge voire de la manipulation. La fin justifie les moyens et tant pis s’il faut tordre le cou à quelques vérités. C’est pourquoi, depuis sa création l’Ircom, souhaite former des professionnels qui pourront prendre toute leur place dans les entreprises. Rompus aux techniques de communication ils prennent le temps, dans le cadre de leurs études, de réfléchir à la finalité, aux méthodes et aux moyens de la communication.

Cette réflexion s’enracine dans une double conviction : La première est anthropologique. Elle part du principe que pour s’épanouir et développer tous ses talents, toute personne humaine a besoin de communiquer. En communiquant, chaque homme marque progressivement son « territoire » personnel qui est à la fois emprunt aux autres et révélation de lui-même… ou plus encore, révélation de lui-même par l’échange et la confrontation avec les autres et avec le monde. De même, toute communication est médiatique au sens où elle nécessite l’utilisation d’un intermédiaire, d’un « média ». Le corps, le langage et tous les outils de communication qui n’ont cessé de se développer ces dernières années sont autant de médias par lesquels nous pouvons créer cette communication. Ils sont indispensables comme des prothèses qui viennent palier nos infirmités mais ils ne sont pas la communication. La fascination qu’ils exercent aujourd’hui dans tous les domaines de notre vie ne doit jamais nous faire oublier que les moyens ne sont jamais une fin en soi et qu’on ne pourra jamais juger la qualité d’une communication aux moyens qui sont utilisés pour la mettre en oeuvre.

La seconde est éthique. Pour pouvoir servir la communauté la communication doit nécessairement se mettre au service du bien commun. Elle pose à chacun les questions du « bien agir », du « pour quoi agir ?», et de son rapport à la vérité : jusqu’où peut-on « enjoliver » les qualités d’un produit pour mieux le vendre ? Est-il légitime de dissimuler les faits lors d’une crise pour ne pas entamer le potentiel de l’entreprise ? Faut-il modifier la réalité pour se bâtir une image positive ? Peut-on instrumentaliser les personnes pour obtenir d’elles un meilleur un résultat ? Toutes ces questions font l’objet d’une réflexion approfondie qui s’enracine dans une conviction : c’est en s’approchant de la vérité qui permet aux personnes mais aussi aux communautés de mieux connaître leurs forces et leurs fragilités que chacun pourra faire usage de sa liberté pour se mettre librement au service d’un bien commun.

Pour ces deux raisons, au moins, l’institut Mac Luhan permet aux étudiants de se préparer pleinement à leur futur métier, de posséder une boussole sûre lorsqu’ils devront eux-mêmes discerner au milieu des nombreux aléas et tentations de leur vie professionnelle. Cette réflexion est une « marque de fabrique », un « savoir-faire différenciateur » apprécié des employeurs qui cherchent des professionnels engagés, compétents et avisés.

(1) B.Ollivier – Les sciences de la communication : théories et acquis – Armand Collin, 2007

 

Pierre Collignon

Directeur général de l’Ircom

 

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